Interview avec Peter Daltrey ( Kaleidoscope - UK, Fairfield Parlour )
La vie ne tient parfois à pas grand-chose. À
ces petits moments de bonheur s’évaporant aussi vite qu’ils vous ont
étourdi, instants aussi futiles qu’illusoires. Le temps d’une intro
délicatement envoutante vous enveloppant de ses cordes chaleureuses et
mélancoliques, suivie d’une mélodie enchanteresse et féérique que
vient boucler un refrain répétitif, magique… The Sky Children et ses 8
minutes de beauté totale, qui pourrait tourner des heures et des
heures sur la platine, sans jamais en ressentir l’ennui par tant de
pureté. Arrangements au panthéon de l’extase absolue, innocence
retrouvée le temps de ré-atterrir fébrilement de ce voyage sonore.
The
Sky Children. Morceau au combien grandiose que l’on retrouve dans le
répertoire des Kaleidoscope, combo londonien mené par le talentueux et
magnifique songwriter Peter Daltrey. Deux albums au compteur, qui enivre
votre rédacteur à chaque écoute, splendide d’un bout à l’autre, chef
d’œuvre de pop parfaite que l’on pourrait aisément ranger devant le
Odissey&Oracles des Zombies, ou encore le Smile des Beach Boys,
monuments d’érudition pop galvaudée par tant d’arrangements
oniriques.
Quand
l’occasion s’est présenté de rencontrer Peter Daltrey, autant vous
dire qu’on s’est pas fait prié. Résultat grandiose tant Peter s’est
prêté allègrement au jeu, revenant sur une carrière emplie de nostalgie
et de souvenirs, avec la plus grande simplicité du monde. Peter
Daltrey.
Louis Hauguel :
Il y a une certaine innocence dans vos chansons, une nostalgie
enfantine. Quel était votre secret pour écrire de si beaux morceaux ? On
pense notamment à The Sky Children?
Peter
Daltrey : Le groupe était en vacances, pendant l’été 1964. A Swanage,
une ville touristique du Dorset, sur la cote Sud de l’Angleterre. À la
sortie de la ville, il y avait un château Victorien, c’était
une belle journée d’été, avec un ciel presque bleu, juste quelques
nuages hauts dans le ciel. Nous avons cherché le château un moment,
et finalement trouvé un chemin menant à la mer. En bas était une plage
de cailloux, de gros rochers s’étant détachés des falaises. La mer
s’écrasait sur le rivage, le bruit était assourdissant, mais
merveilleux. La nature brute. Swanage, au loin, scintillait dans la
brume. Nous avons donc décidé de retourner en ville, en suivant la
plage. C’était difficile, les rochers avaient la taille d’une voiture,
il était maintenant midi, et le soleil tapait dur. À notre droite,
l’océan grondait. Tous les quatre avons été séparé, et je me suis
retrouvé dernier. Pour une raison inconnue, une ligne m’est venue, « Un
million de fleurs blanches dans un champ céleste ». Ed (Pumer, le
guitariste) et moi écrivions toujours selon la même formule : moi les
paroles, lui la musique. Écrire une chanson n’est rien moins que de
s’inspirer de l’air du temps, et de la transformer en mots. Et
l’inspiration, par définition, ne se produit pas à la demande. Sa
blague favorite est de s’insinuer dans vos pensées, juste au moment où
vous allez vous endormir. Un mot et une ligne vont se former dans votre
esprit, navigant dans votre conscience, alors que vous allez sombrer.
Mais attention, si vous les ignorées elles vont simplement disparaître,
au matin elles seront parties.
Donc, vous revenez
du pays des rêves, attrapez un stylo et un papier, griffonné, et
retournez vous écrouler. Le soleil se lève, les yeux sont bouffis, la
vessie pleine, la bouche en feu, les oreilles bourdonnent. Vous
lorgnez sur le papier, en général c’est merdique, parfois inspiré. Dans
ce cas, je marchais le long d’une plage, sans papier et sans stylo. Une
autre phrase m’est venue, puis encore une. Là j’étais mal. J’avais
deux options, refuser de laisser fonctionner mon cerveau, sachant bien
comment ce serait dur de retrouver mes mots. Ou accepter les mots qui
émergeaient, comme d’une éponge, et tenter de les mémoriser. Après
tout, toutes les chansons comportent d’un à trois couplets, et un
refrain. J’ignorais que j’étais en train d’écrire une de nos plus
longues chansons. Encore plus de mots, je les assemblais, le rythme se
formait, une histoire commençait à émerger. Je devais tout reprendre du
début, assemblant les couplets dans ma tête. En essayant
désespérément de garder le tout dans le bon ordre. Dan (Brigdman, le
batteur) était juste devant moi. Il s’est arrêté, m’a demandé si
j’allais bien. J’ai répondu que j’écrivais une chanson, il a secoué
la tête, apparemment décidé à me laisser tranquille. Il y avait tant de
lignes, que je m’y perdais, tout se mélangeait. Il faisait chaud,
j’étais en sueur. Quand nous sommes arrivés en ville, je me suis
précipité pour transcrire ce dont je me souvenais.
De
retour à Londres, les paroles ont été affinées et finalisées. Ed est
venu avec une mélodie très simple, qui capturait parfaitement l’esprit.
Le conte de fées d’un groupe d’enfants, en quête de magie. C’est
facile de se moquer aujourd’hui. Avec nos oreilles modernes, voire
usées, tout ceci semble idiot. Mais il faut replacer dans le contexte,
revenir à 1967. J’étais influencé par Donovan, sur des chansons comme
ça. Les gens disent que j’avais trop lu Tolkien, alors que j’ignorais
même qui il était. Mais j’absorbais tout ce que j’entendais autour de
moi. Je ne me souviens pas de l’enregistrement de Sky Childern, mais
je le soupçonne de venir d’une session tardive, dans les studios
Phillips, à Marble Arch. Avec les lumières éteintes, juste une ou deux
bougies sur un ampli. Vraiment magique.
Louis : Faintly Blowing
semblait plus diversifiée, alternant les moments de calme et de
violence. Quelle a été votre approche au niveau de la production ?
Peter
: Ed et moi n’avons jamais cessé d’écrire des chansons. On en avait
toujours plus que nécessaire. Certains groupes sont obligés de faire un
album, et composent en studio. Alors que nous arrivions avec notre
stock de chansons. Sachant parfaitement ce que nous voulions, ayant déjà
présenté nos morceaux au producteur (Dick Leachy) et reçu son aval
enthousiaste. Tangerine Dream a été écrit principalement en
1965/66. Bien qu’à cette époque nous ayons été ensemble depuis deux ans,
nous étions toujours novices. On apprenait notre métier. En 1967/68,
la confiance était là, ainsi qu’une structure pour notre musique.
Dans la mesure où nous étions sous contrat avec une maison de disques,
qui était convaincue que nous étions les prochains Beatles.
Sérieusement, c’est que nous disaient les gens de Phillips.
La
période psychédélique a été très courte. Une fusée multicolore, tirée
dans le ciel en 1966, nous étourdissant tous par sa brillance. Qui est
doucement retombée sur terre en 1968. Les braises ayant continué à
brûler jusqu’à la fin de cette année là. Pour notre genre musical, on
était certainement au bon endroit au bon moment. Londres vibrait de bons
plans. Nous étions jeunes, naïfs, confiants dans nos possibilités,
impossibles à stopper. Début 1968, notre écriture était beaucoup plus
adulte. Mais toujours dans le style psyché, fidèle à nos racines. Je me
souviens de Sunny Side Circus à ce moment là. Mais nous étions insatisfaits du résultat, et le titre a dû attendre From Home To Home pour apparaître. Un peu décalé, sur le dernier album.
Avec
un budget conséquent, notre son avait été augmenté d’un orchestre. Ce
qui avait certainement élargi une approche plus mature. Je n’écoute plus
nos disques (plus beaucoup de musique en fait, puisque j’ai fait
cadeau de mon ouïe au groupe), mais sur nos deux albums, c’est le
morceau Faintly Blowing qui porte la couronne.
Ma
mémoire est pleine de trous, donc peut de détails restent. Mais je me
souviens que nous avions fait un effort commun, pour que les morceaux
soient le plus excentriques possible. Notre producteur nous poussait,
lui qui voulait se faire un nom. Quand la base a été enregistrée, on a
ajouté une partie vocale. Ensuite, on a embelli le tout avec divers
bruits. La semaine d’après, nous avons été conviés au studio pour
écouter le premier mixage. La production avait adouci le tout avec du
phasing, au lieu de garder l’effet pour la fin. Mais nous avons été
convaincus que c’était le bon son pour la chanson. Jeunes et tenus
dans une crainte respectueuse par notre maison de disques, nous avons
décidé de laisser filer. Aujourd’hui, je reçois régulièrement des mails
de fans, jeunes et vieux, qui vantent les charmes de Music. C’est une question de goût, je crois.
Louis : Kaleidoscope a sorti un single intitulé Isle Of Wight Festival Theme
en 1970, sous le nom de I Luv Whight. Vous avez joué le vendredi 28,
en tant que Fairfield Parlour, et il semble que vous ayez été informé
(par lettre anonyme) que le premier groupe qui passerait, se ferait
tirer dessus.
Peter
: En Mai/Juin 1970, notre manager avait beaucoup discuté avec les
frères Foulk, organisateurs du festival. Un joli coup pour lui. Non
seulement, le groupe avait une place sur l’affiche, mais les deux
filous étaient d’accord pour que nous écrivions et enregistrions une
chanson. Laquelle sortirait sous la bannière The Official Isle Of Wight Festival Song 1970.
Encore mieux, il était convenu que le morceau passe entre chaque
concert. Cette publicité massive, avec les passages radios, servirait au
moins à donner au groupe le hit qu’il attendait depuis si longtemps.
Les représentants légaux ont rédigé un contrat, qui a été signé par les
deux parties. Le jeudi, nous étions assis dans la salle de télé du
Shanklin Clarendon Hotel. On prenait des trucs durs : de gros pots de
thé, couleur créosote. Dave (Symonds, le manager) a suggéré que nous
regardions les informations, pour voir si on y parlait du festival.
Deuxième titre : « L’IRA a annoncé que, pour protester contre la
présence anglaise en Irlande, elle tirerait sur le premier groupe du
festival de Wight, demain ».
Qui est le premier groupe ? Avons-nous demandé à notre manager.
Vous.
Le
vendredi, on traînait en attendant de jouer. Tous nerveux. C’était un
concert majeur pour nous. Nous nous sommes retrouvés devant un quart de
million de personnes. Dan a tapé sur un tom, Steve (Clark) a tiré sur
une corde de basse, Ed se raccordait. Je me suis approché du micro, le
cœur battant. Les accords familiers de Eyewitness, j’ai ouvert ma bouche, sèche comme un os. We Know You Have Seen A Lot Of Things, c’était approprié.
Le son était curieusement bas, alors qu’on s’attendait à être
assourdi par les murs d’amplis. Ces bâtards avaient seulement tourné le
bouton de volume à cinq. Et maintenant Aries, cet hymne
nostalgique à la jeunesse. Mais le son disparaît dans l’espace
ouvert, vers la colline. Vous pouviez presque le voir s’évaporer dans
l’air. Applaudissement chaleureux, mais attendez, l’IRA…….S’ils
descendent quelqu'un, ce sera le chanteur, au centre de la scène, les
bras ouverts, la cible parfaite. Pendant un moment, j’ai pensé à
repérer le flingue, mais suis instantanément revenu à la réalité. Pas le
moment de penser à ma mort. Je pouvais le faire plus tard, dans un
bain de sang, en coulisse. Ma vie se mêlant à l’herbe piétinée, comme de
la neige rouge. Ma bouche formant un dernier mot, « Bâtards ». Après
un concert trop court, nous avons quitté la scène, content d’être
encore vivant. En fait, c’était un pétard mouillé, juste pour faire de
la pub à leur cause aveugle.
Louis
: Vous faites toujours de la musique aujourd’hui, et avez sorti de
nombreux albums. Étés vous ouvert à de nouvelles influences ? Ou
êtes-vous nostalgiques des années 60/70 ?
Peter
: Quand le groupe s’est séparé, j’ai quitté Londres, pour les vertes
collines du Wilshire. Après deux décennies de silence, l’urgence
créative est revenue, un besoin d’écrire. Je me suis mis à composer et à
enregistrer mes propres chansons. Aujourd’hui, j’ai sorti quatorze
albums en un DVD. Je vends mes disques sur mes deux sites : www.chelsearecords.co.uk (véritable mine de renseignements) et www.myspace.com/peterdaltrey.
Il y a eu de bons retours des fans. Ils me disent que ma voix est
restée la même, et qu’ils aiment ce que je fais. Dans la mesure où je
suis la trace de Kaleidoscope et Fairfield Parlour. C’est inévitable,
je ne peux pas (et ne veux pas) échapper à mes racines. La nostalgie
donne un sentiment de mélancolie chaleureuse. Mais c’est
essentiellement auto indulgent et vain. Je préfère vivre dans le
présent. Être concerné par ma prochaine chanson, que par celles qui ont
quarante ans. Ce qui n’est pas pour dénigrer notre travail passé.
J’en suis fier, et toujours ému que les jeunes générations découvrent et
aiment nos disques. Je me sens immortel, ce à quoi tout le monde
aspire.
Mes années avec le groupe
étaient frustrantes. Parce que nous avons vu le succès nous
échapper. Ce qui n’était pas notre faute. Notre maison de disques était
inutile, incapable de fournir nos disques aux fans qui les voulaient.
Et le manque d’un manager, quand nous étions Kaleidoscope, nous a
sérieusement handicapé dans nos contacts avec les dirigeants de notre
compagnie. Nous avons eu trois hits (Jenny Artichoke, Bordeaux Rose, Let The World Wash In),
mais sans réel succès. Les deux premiers, gros carton sur les
électrophones, ont échoué dans les charts, à cause de l’inefficacité,
de la maison de disques. Le troisième parce que les frères Foulk ont
renégocié notre contrat, pour promouvoir le single pendant le festival.
Donc, j’ai des souvenirs, mais ne m’y penche pas.
Louis : Avez-vous des histoires de concerts à raconter ?
Peter : Nous en avons fait tant que tout s’est fondu en un seul morceau dans ma mémoire.
Louis : À quoi pouvait-on s’attendre en venant à un concert de Kaleidoscope ?
Peter
: Nous avions plusieurs personnalités. Pour nos premiers concerts, vous
vous seriez sûrement retrouvé dans un club de jeunesse malodorant,
ou une salle paroissiale poussiéreuse. Quelques gamins embarrassés,
autorisés à leur première sortie par des parents autoritaires, se
bousculant, agrippant nerveusement leur verre de limonade. Le groupe,
quatre jeunots maladroits, The Sidekicks. Nous jouions les premières
chansons des Rolling Stones et des Beatles, des blues de Mose Allison
ou Muddy Waters. Le son n’était pas excellent, car nous avions
seulement quelques amplis bon marché. Le chanteur était rivé au
projecteur, agrippant son micro, tentant désespérément de se souvenir
des paroles. Après à peu près une heure, le groupe était à court de
chansons, et devait commencer à répéter son set. Mais presque personne
ne remarquait rien, ils étaient occupés avec les jeux de la puberté.
Si
vous aviez vu The Key, ça aurait été dans l’arrière salle obscure d’un
pub. Le groupe sur le sol, dans un coin. Ou dans un collège. Dans le
pub, vous auriez été entouré de rockers graisseux, cherchant la castagne
ou de quoi se défouler, plutôt qu’écoutant. Une épaisse puanteur de
bière et de sueur, et un air d’anticipation. Pas du groupe, mais de
la putain de baston. Dans un collège, la salle aurait été plus large, et
le groupe sur une scène. Un public jeune, intense, avec des verres
de cidre ou de bière. Il y avait des projecteurs et peut être quelques
jeux de lumière. On jouait toujours nos reprises de blues, mais on avait
incorporé plusieurs chansons à nous. Vêtus de chemises bouffantes,
et de Beatles boots Anello and Daniel. Une fille en mini-jupe était
assise sur scène. Entre chaque morceau, elle lisait une ou deux lignes
de poésie. À la fin de la dernière chanson (une pièce de résistance
épique, oubliée depuis longtemps, nommée Face), le groupe
emmenait le chanteur qui venait de s’évanouir. Du sang coulant de sa
bouche. À l’université de Brune, où ceci s’est déroulé, vous auriez
pu voir le public devenir sauvage. Et les organisateurs nous ficher
dehors, pour avoir enfreint les bonnes mœurs. Ils semblaient peu
apprécier notre mise en scène ampoulée. Et les capsules de sang,
achetées dans un magasin de farces et attrapes, sur la route.
Un
concert de Kaleidoscope se déroulait dans une université, ou un club.
En compagnie de gens vêtus tout en couleurs. Le groupe superbement
équipé de matériel tout neuf. La sono de meilleure qualité, on jouait
fort. Le répertoire était entièrement original (Dive Into Yesterday, Snapdragon, Love Song For Annie, Music).
Cette dernière chanson était le final, une cacophonie. Qui, en général,
en faisait demander plus au public. Pas de sang cette fois, mais de la
vraie sueur.
Un
gig de Fairfield Parlour se déroulait toujours dans une université. Le
public habillé plus sobrement. Vêtement sombre et grands chapeaux.
Toute la soirée avait un air beaucoup plus mature, avec nombre de
morceaux acoustiques. Steve jouait de la flûte sur Eyewitness, et moi du clavicorde sur Soldiers Of The Flesh.
Vous auriez pu nous voir au Mothers de Birmingham, juste au-dessus de
chez le tailleur Burton. L’endroit méritait un effort. On a joué là-bas
plusieurs fois, toujours chaleureusement accueilli. C’est dans cet
endroit que Dan s’est démoli, en se coinçant un nerf de la colonne
vertébrale, après un concert particulièrement énergique. On pensait
qu’il allait mourir sous nos yeux. Il a passé des semaines à l’hôpital,
survécu, et nous a rejoint, en vrai grognard. Mais il porte toujours les
séquelles de cette nuit là.
Louis
: Contrairement aux USA, le psychédélisme anglais semblait avoir des
difficultés à s’adapter à son environnement. Quelles sont pour vous les
différences entre les deux ?
Peter
: Les deux sont bien distincts. La version US a été fortement
influencée par l’émergence de la drogue culture. Particulièrement à
San Francisco. La musique, bien que retenant les éléments essentiels
(guitare bruyante, bizarrerie contrôlée, paroles obscures) était en
général plus lourde. En Angleterre, c’était plus aérien. Et certains
diraient avec des textes plus compréhensibles. Nous étions influencés
par les contes de fées, le côté gentil de la vie. Qui va probablement
vous ramener à votre enfance. La drogue était présente (pas dans
notre cas, du moins), mais de façon plus subtile. Je pense pouvoir dire
que c’est cette version que je préfère. Le mouvement psychédélique a
été très bref, un phénomène musical qui a défini sa propre époque.
Partie d’une ère brève, fleurissant sans raison apparente. Semblant
offrir un doux chemin coloré vers le futur. Mais se consumant dans
les excès, sur la fin. Donnant naissance à la soi-disant musique
progressive. On a suivi le mouvement, et secoué nos fringues de hippies,
pour devenir Fairfield Parlour.
Louis : Que pensez-vous du téléchargement ? Tangerine Dream a été réédité plusieurs fois, vous à t’on demandé votre avis ? Avez-vous eu un retour financier ?
Peter
: Un point qui fait très mal. Comme quatre jeunes naïfs, nous étions
(et tant d’autres avant nous, y compris les Beatles) manipulés par
une multinationale. Je doute que nous ayons même lu le contrat, avant de
le signer. J’en veux toujours à Dick Leahy, notre producteur, de ne pas
nous avoir incité à prendre un manager. Il nous aurait représenté,
et discuté avec la maison de disques. Un manager à poigne aurait insisté
pour un meilleur taux de royalties, une meilleure distribution et
promotion, du soutien. Alors que nous étions piétinés par une boite
incompétente, avec toujours un pied dans les années cinquante. Ils ne
connaissaient rien au psychédélisme, et avaient de plus gros chats à
fouetter. Comme Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick and Tich. Bien que notre
manager de l’époque Fairfield Parlour ait fait des erreurs, il nous
avait au moins assuré un meilleur contrat avec le nouveau label,
Vertigo. Le disque a été enregistré, et on a loué les bandes pour cinq
ans. Après cette période, tous les droits revenaient au groupe. On
profite donc d’un revenu correct, en licenciant Fairfield Parlour et White Faced Lady
(album resté inédit). Pour répondre à votre question, oui nous
touchons des royalties pour Kaleidoscope. Mais vu le taux de retour
criminellement bas, qui se maintient depuis quarante-deux ans, ça nous
fait de l’argent de poche. Amer moi ? Tu parles. J’ai travaillé avec
Universal sur la compilation Dive Into Yesterday, mais là
encore ils ont lésiné. Le livret était supposé être en couleur, ce
qu’ils ont changé en monochrome, à la dernière minute. Pour économiser
trois ronds. Les pauvres gens. Télécharger ? Pas mon truc. On touche
des haricots là-dessus. À moins d’avoir des centaines de milliers de
gens téléchargeant votre musique, vous ne gagnerez jamais un sou
comme ça. Je préfère vendre mes disques sur mon site, Les fans savent
que s’ils m’achètent un CD, le profit sera investi dans la musique. Pas
dans lesgriffes d’un représentant de maisons disques, ou d’un
actionnaire, sourd comme des pots.
Louis : Que pensez-vous des groupes actuels ? Des favoris ?
Peter
: Je n’écoute pas de musique. Pour ne pas m’abîmer davantage les
oreilles. Les mecs dans les groupes, lisez ceci : protéger vos
oreilles, portez des filtres anti bruit, sauvez votre ouïe. Où vous
finirez comme moi. Le mot anglais que j’utilise le plus est
« pardon ».
Louis : Vous a-t-on déjà pris pour Roger Daltrey ?
Peter
: Beaucoup de gens font l’erreur de m’appeler Roger. Mes parents
avaient réservé dans un restaurant, et ils avaient bien mangé. Le
serveur leur a demandé si le personnel pouvait les rencontrer. Ils ont
accepté, en trouvant ça extrêmement bizarre, mais ont accepté. Les
serveurs et les cuisiniers ont débarqué, bouché bée devant mes
parents stupéfaits. Le chef a alors demandé si Roger pouvait leur rendre
une visite. L’addition avait baissé, mais mes parents n’ont rien dit.
Je crois qu’ils voulaient surtout manger à l’œil.
Louis Hauguel pour Fuzzine, avec la collaboration de Lou et traduction de Laurent. (2010)
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